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Le NDA est-il réellement obligatoire lorsque l’on intervient en sous-traitance ?
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Je lis trop souvent des articles de forums où tout et son contraire est affirmé en matière de Numéro de déclaration d’activité… Chacun y va de sa pensée, de son expérience, de son interprétation de tel ou tel site… C’est à se demander si certains ont réellement lu le Code du travail et comprennent le vocabulaire juridique utilisé.
Certains vont jusqu’à affirmer quelque chose en invoquant le site service-public.fr…. tout en affirmant l’inverse de ce qu’il est écrit sur le si-célèbre site. Et là, j’ai tiqué!
Voici l’article du code du travail de référence : L6351-1 du code du travail corrigé par l’article 4 de la LOI n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel dans sa rédaction à jour d’aujourd’hui le 28 avril 2021.
« Toute personne qui réalise des actions prévues à l’article L. 6313-1 dépose auprès de l’autorité administrative une déclaration d’activité, dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, conclus respectivement en application des articles L. 6353-1 et L. 6353-3.
L’autorité administrative procède à l’enregistrement de la déclaration sauf dans les cas prévus par l’article L. 6351-3. »
Beaucoup s’arrêtent à la première virgule. Mais une virgule n’a jamais été un point.
Or, les seuls prestataires amenés à conclure des conventions et les contrats de formation sont ceux qui sont en direct avec le client. La convention de formation mentionnée à l’art. L6353-1 fait référence à l’acheteur de l’action de formation (= l’entreprise qui achète une action de formation pour ses salariés, les conjoints non salariés des dirigeants ou pour ses dirigeants). Le sous-traitant comme son nom l’indique n’a pas le lien juridique avec le client final.
Rappel : Il est possible d’exercer son activité de formation professionnelle en indépendant sous un statut d’entreprise individuelle – dont les « microentrepreneurs » (personne physique) ou d’une société (personne morale) ou d’une association (personne morale) ou de profession libérale (personne physique). Ce statut vous permet de travailler en direct avec les clients bénéficiaires via des conventions de formation (art. L.6353-1 du Code du travail) pour les clients professionnels ou via un contrat de formation(art. L6353-3 du Code du travail) pour les clients particuliers. Il est également possible intervenir en sous-traitance à la demande d’autres professionnels de la formation (OF – personnes physiques ou morales). La loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance -notamment l’article 1 définissant la sous-traitance ou les articles 1101 et suivant du Code civil n’impose aucun formalisme pour un contrat de sous-traitance. L’accord de volonté peut-être manifesté oralement ou via une lettre de mission, un bon de commande, une facture. Je ne peux que recommander un écrit pour prouver l’existence de la relation contractuelle. Une lettre de mission, un bon de commande ou une facture suffit et n’est pas une convention de formation, ni un contrat de formation au sens des articles L.6353-1 et L.6353-3 du Code du travail. Il est également possible d’établir entre le sous-traitant et le donneur d’ordre (entrepreneur principal) un contrat écrit de sous-traitance.
Aussi, il n’y a pas d’obligation d’avoir un numéro de déclaration pour exercer en sous-traitance. Certains sous-traitants peuvent travailler toute leur vie sans avoir à être en lien juridique direct avec un client/bénéficiaire de formation. De plus, imposer un NDA à tous les intervenants en formation professionnelle reviendrait également à renoncer à de nombreux experts, consultants ou spécialistes qui animent quelques journées de formation par an en sous-traitance d’OF ou CFA et qui n’ont pas la prétention de vendre des prestations de formation en direct à leurs clients.
Je rappelle que « ne pas avoir d’obligation » ne signifie pas que cela est interdit de réaliser la démarche de déclaration. Certaines DREETS ont une tolérance dans les pièces justificatives à joindre pour constituer le dossier de déclaration et accepte un contrat de prestation/sous-traitance.
Chez nous à Orléans, la DREETS exige la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle comme pièce justificative, ce qu’un sous-traitant n’a pas (cf.site web).
De même, la DREETS Grand Est rappelle les pièces jointes à la demande de numéro de déclaration d’activité : une convention de formation, un contrat de formation et/ou un contrat d’apprentissage. Il n’est nullement fait référence à un contrat de sous traitance ou de prestation de service. Par la même administration et un mail dont elle est l’émettrice en date du 27 mai 2021 suite à une demande faite par un OF, elle conclut que « l’enregistrement comme organisme de formation ne s’impose nullement à des personnes physiques ou morales qui interviennent uniquement en sous-traitance. »
Par un amendement n°13 du 3 octobre 2022 adopté pour la loi de finances de l’année 2023, l’article L. 6323-9-2 a été ajouté au Code du travail. Cet article ajoute une nouvelle obligation pour le sous-traitant d’une action de formation référencée à la plateforme Mon Compte de Formation : celui d’avoir une NDA. Autrement dit, l’assemblée nationale ajoute cette obligation ainsi que celles référencées aux 1° , 2° , 3° et 5° l’article L. 6323-9-1 du Code du travail. Si cet amendement créé cette obligation, cela va dans le sens que les sous traitants n’ont pas cette obligation en dehors du cas visé par l’article L. 6323-9-2. Sinon pourquoi cet article prévoirait cette obligation si les sous-traitants avaient systématiquement l’obligation d’avoir un NDA. Source : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0278/AN/13.pdf
Pour prendre connaissance de l’article L.6323-9-2 du Code du travail – cliquez ici
Pour aller plus loin dans les informations.
Certains auteurs sur les réseaux sociaux invoquent Datadock et Qualiopi pour affirmer haut et fort l’obligation d’avoir un numéro de déclaration pour les sous-traitants. Or, Datadock et Qualiopi ont été mis en place afin entre autres choses que les actions de formation soient éligibles aux financements publics… Or, qui est concerné par la problématique du financement ? L’OF lié contractuellement avec le client qui en formule la demande? ou le sous-traitant ?? Je n’oserai pas répondre et vous laisserai y réfléchir. De plus, que celui qui me trouve, une ligne ou une mention par laquelle le référentiel Qualiopi imposerait un NDA aux sous-traitants me contacte… Même l’indicateur 27 auditant le processus de recours aux sous-traitants rappelle que les sous-traitants n’ont pas l’obligation d’être certifié Qualiopi et qu’aucun texte n’exige que les sous-traitants soient des formateurs de métiers.
D’autres invoquent un circulaire de la DGEFP de 2011. J’ai lu les 39 pages de la circulaire. Qu’une personne me trouve la ligne ou simplement la page qui mentionne la nouvelle obligation du sous-traitant !
Exiger un NDA à un sous-traitant reviendrait à exiger un NDA à un fournisseur ou salarié…. Risible non ? (je me base sur le principe du code civil qui règlemente les sous-contrats et chaines de contrats).
Attention : Le sous-traitant n’est pas un salarié. Ne pas confondre les deux statuts. Trop souvent les donneurs d’ordre agissent avec les formateurs sous-traitants comme s’il s’agissait de salarié. cf autre article!
Beaucoup disent également : « c’est gratuit de formuler la demande, c’est simple…. Etc… » Or, ce que personne ne dit, c’est qu’une fois que l’on est déclaré en préfecture, il faut remplir un BPF et en cas d’activités multiples à tenir une comptabilité différenciée entre les dites activités. En cas d’absence de BPF transmis chaque année, le numéro devient caduc. Quel sous-traitant ponctuel aurait envie de se lancer dans ce processus. Certains peut-être, mais pas tous…
Bien que Qualiopi et Datadock soient ouverts aux sous-traitants, rien ne les y oblige. « Ouvert à » ne signifie pas obligatoire.
Certains centres de formation font du zèle, tout comme certaines DREETS. Cela arrive… comme dans tous les métiers bien sûrs. J’ai connaissance de ces cas….
Pour la blague…
Ouf la Bretagne sauve la situation en mentionnant les sous-traitants comme exonérés de NDA (dans la brochure guide de l’OF – https://bretagne.direccte.gouv.fr/sites/bretagne.direccte.gouv.fr/IMG/pdf/guidecompletmodif.pdf). Le plus drôle est que la même dite DREETS mentionne sur le site lui-même l’obligation de NDA pour les sous-traitants. Autrement dit, la DREETS bretonne se contredit entre deux de ses pages web !!
D’autres se cachent derrière des dictons « qui peut le plus, peut le moins »… Certains centres de formation ont fait certains choix dans la sélection de leurs sous-traitants… malheureusement l’absence de NDA ou la présence de NDA ne figure pas dans la liste des motifs de discrimination recensés par le Code pénal.
Cela est dommage de prendre pour argent comptant « c’est obligatoire ! » sans citer aucun texte de loi. Certains contributeurs sur les réseaux sociaux ont listé les sites prônant l’obligation du NDA. J’ai été vérifier sur chacun d’entre eux comme tout bon juriste enquêteur. Aucun de ces sites ne mentionnent ses sources et se contentent d’affirmer. Quelques rares sites mentionnent un texte légal ! Et oh surprise ! Il s’agit de l’article qui introduit mon mail… Bizarre ! Où est-il écrit « le sous-traitant » ou « contrat de prestation » ou « contrat de sous-traitance » ?
Demander le NDA à ses sous-traitants indique une démarche, des obligations, un indice de motivation à faire de la formation un métier (qui comme vous savez pour ceux qui me connaissent me passionne). Il est également possible d’inclure un article dans votre contrat de sous traitance convenant des exigences souhaitées entre les parties. Cela devient une obligation contractuelle issue de la liberté contractuelle et du consensualisme – principes issus du droit des contrats (articles 1101 et suivants du Code civil). Mais exiger un NDA sans exiger la preuve de dépôt du BPF annuellement ne sait à rien puisque contrairement à la déclaration, la caducité du NDA ne fait l’objet d’aucun justificatif… Qui plus est un NDA ne présume pas de la quantité d’un service! Mieux vaut un formateur compétent, qu’un formateur sans expérience avec NDA.
L’enjeu pour les DREETS est de pouvoir contrôler l’activité de formation et l’usage des fonds publics. Sans NDA, les DREETS ne peuvent pas contrôler votre activité de formation. Le contrôle réglementaire appartient à la compétence des inspecteurs du travail. Ce contrôle est bénéfique face à la jungle des OF et formateurs proliférant en France.
PS: je rappelle qu’une circulaire, une réponse ministérielle publiée ou non ne peuvent pas remettre en question ou contredire une loi (cf. Hiérarchie des normes de Kelsen) – et ce surtout lorsqu’elles se contentent de recopier les articles du Code du travail sans y apporter aucun éclairage ou interprétation supplémentaire et ni réponse claire.
Je rejoins ceux – notamment de nombreux avocats spécialisés – qui encouragent le Ministre du travail à élaborer un projet de loi sur le recours à la sous-traitance dans la formation professionnelle afin que cela soit clair notamment pour les milliers de formateurs (personnes physiques ou morales) et expert-consultants intervenant ponctuellement qui ne sont pas juristes !
Article publié le 28 avril 2021 – Mis à jour le 23 mai 2022, puis le 6 octobre 2022.
Article à jour en avril 2024.