Apparence physique au travail : et si votre tenue était (encore) un motif de discrimination ou de sanction ?
Talons aiguilles obligatoires. Pas de barbe. Cheveux attachés. Tatouages interdits. Vous croyez ces règles d’un autre temps ? Elles sont encore d’actualité dans bien des entreprises.
Et pourtant, la liberté d’apparence au travail n’est pas une fantaisie post-moderne. C’est un droit, et c’est le Code du travail qui le dit.
📜 Ce que dit la loi : liberté oui, mais encadrée
L’article L1121-1 du Code du travail est clair :
« Nulle restriction ne peut être apportée aux droits des personnes (…) que si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. »
Autrement dit : vous êtes libre de vous habiller comme vous voulez, sauf si l’employeur peut prouver que votre apparence :
- met en péril la sécurité ou l’hygiène,
- nuit gravement à l’image professionnelle de l’entreprise,
- ou contrevient à une exigence légitime (neutralité, uniformité, etc.).
Mais attention : les restrictions doivent être nécessaires, légitimes et proportionnées.
⚠️ Discrimination sur l’apparence : une réalité (très) sous-estimée
La Décision-cadre n°2019-205 du 2 octobre 2019 du Défenseur des droits est formelle : l’apparence physique est devenue l’un des motifs les plus fréquents de discrimination au travail… mais le moins contesté.
Pourquoi ? Parce qu’on tolère encore ces discriminations, qu’on les banalise, ou qu’on les dissimule derrière de faux arguments d’image, de politesse ou de « bonne tenue ».
Les femmes sont les premières visées. En particulier celles qui ne rentrent pas dans les cases imposées : trop rondes, trop maquillées, pas assez féminines, trop provocantes…
Mais les hommes aussi : interdiction de cheveux longs, pression sur la barbe, tatouages mal perçus. Résultat : une normalisation insidieuse des corps, des looks, des codes.
🧠 L’apparence, ce miroir des stéréotypes
Le Défenseur des droits nous rappelle que l’apparence est intersectionnelle : elle recoupe le genre, l’origine, l’identité, l’âge, le handicap. Et elle révèle ce que la société valorise ou rejette.
Exemples pointés dans la Décision-cadre :
- 🔴 Grossophobie : le surpoids reste un frein à l’embauche, surtout pour les femmes.
- 🔴 Codes vestimentaires sexistes : jupe imposée, maquillage exigé, talons recommandés.
- 🔴 Coiffures stéréotypées : cheveux texturés ou afro parfois interdits.
- 🔴 Barbes, tatouages, piercings : tolérés… mais seulement s’ils restent « discrets » (selon qui ?).
📝 Employeurs : à quoi avez-vous vraiment le droit ?
Un employeur peut encadrer l’apparence, mais à une condition : le justifier clairement et le formaliser, en respectant le principe de proportionnalité.
Le Défenseur des droits recommande de :
- 🧾 Rédiger un document clair (note ou règlement intérieur),
- 👩🏫 Former les managers et RH à la non-discrimination,
- 🚨 Prévenir le harcèlement fondé sur l’apparence,
- ⚖️ Sanctionner les abus.
🚀 Vers une révolution silencieuse ?
Et si l’on cessait d’exiger des collaborateurs qu’ils se conforment à des stéréotypes ? Et si on valorisait les compétences avant les apparences ? Et si l’on comprenait enfin que la diversité des corps, des styles, des looks, fait aussi partie de la richesse de l’entreprise?
Article publié le 11 août 2025 – article soumis aux droits d’auteur – Aurélie Joubert